Quelques réflexions sur les demeures
du boulevard de Paris à Roubaix
selon l’annuaire des grandes familles de 1912
En vue d'une reconstitution 3 D
Etat architectural avant massacre du boulevard
L’extrémité du parc Barbieux
Cartes postales de cette page essentiellement réunies par Philippe Cavril que nous remerçions
Hôtel encore existant d' Eugène Motte, avenue Le Nôtre sur le parc Barbieux à Roubaix ; à coté existait le pendant appartenant aux Lefebvre.
Dans ces deux images, on devine au fond l’hotel Ernest Roussel-Masurel du 139,
boulevard de Paris
La Porte monumentale pendant l’Exposition Internationale de
Roubaix en 1911
grandes familles du Nord ; grandes familles des
Flandres ; grandes familles des hauts de France
Eugène |
MOTTE VANOUTRYVE |
16 |
Francois |
ROUSSEL-LELARGE |
35 |
Jean Baptiste |
CAVROIS-MAHIEU |
39 |
Edouard |
D'HALLUIN-FRANCOIS |
41 |
Jules |
MASUREL DUTILLEUL |
43 |
Mme Charles |
DROULERS PROUVOST |
44 |
Clément |
DAZIN-MULLIEZ |
46 |
Edouard |
RASSON-DUCHANGE |
47 |
Edmond |
PROUVOST ELOY |
48 |
Albert |
PROUVOST DEVEMY |
50 |
Leon |
WIBAUX FERLIE |
51 |
Jean |
CAVROIS-LAGACHE |
54 |
Jules |
GRIMONPREZ-DELCOURT |
61 |
Victor |
DAZIN-DUVILLIER |
62 |
Ed |
MOTTE LAGACHE |
64 |
Paul |
REQUILLART-DUTHOIT |
66 |
Florentin |
ELOY DUVILLIER |
67 |
Paul |
VERNIER-VALENTIN |
68 |
Jean |
BOSSUT-SCREPEL |
69 |
Paul |
DELANNOY-JONVILLE |
71 |
Amédée |
PROUVOST LORTHIOIS |
73 |
Louis |
LECLERCQ HUET |
74 |
Clément |
DAZIN-ELOY |
76 |
Carlos |
MASUREL LECLERCQ |
78 |
LENGLART PROUVOST |
80 |
|
Paul |
MOTTE VOREUX |
82 |
Théodore |
HANNART LECLERCQ |
86 |
Fernand |
HANNART MOTTE |
86 |
Mme Paul |
LAMBIN GLORIEUX |
88 |
Albert |
GLORIEUX |
94 |
Leon |
VOREUX HUC |
96 |
Eugène |
WATTEL ERNOULT |
102 |
Fernand |
MOTTE BALAY |
108 |
Amédée |
PROUVOST BENAT |
113 |
Georges |
MASUREL LECLERCQ |
114 |
Edouard |
PROUVOST FAUCHILLE |
121 |
César |
GAYDEL-SCREPEL |
125 |
Albert |
HEYNDRICKX BOSSUT |
127 |
Amédée |
DUCHANGE-RASSON |
131 |
Paul |
ELOY VINCHON |
133 |
Emile |
ELOY LECOMTE |
135 |
Ernest |
ROUSSEL MASUREL |
139 |
La perspective du
boulevard de Paris
Coté impair ( sur la droite de cette vue d'avion, la
première demeure du 139 puis le 137 etc
Edouard |
PROUVOST FAUCHILLE |
121 |
César |
GAYDEL-SCREPEL |
125 |
Albert |
HEYNDRICKX BOSSUT |
127 |
Amédée |
DUCHANGE-RASSON |
131 |
Paul |
ELOY VINCHON |
133 |
Emile |
ELOY LECOMTE |
135 |
Ernest |
ROUSSEL MASUREL |
139 |
Le 139, boulevard de Paris
aux Ernest Roussel-Masurel
Ernest Paul ROUSSEL
(°22/02/1857 Roubaix - ) est fils de François ROUSSEL
(1819-1903) et de Florine DESTOMBES (1826-1857). Il épousa Camille Cécile MASUREL
(° 08/06/1860 Roubaix- ), fille Charles MASUREL (1834-1890) et de
Cécile SCREPEL (1835-1883). Camille
est petite
fille de Louis SCREPEL et Cécile FLORIN dont voici les portraits
par Victor Mottez, élève d'Ingres. Ils se sont
mariés à Roubaix le 20/07/1882
et semblent ne pas avoir eu d'enfant.
Camille est soeur de
Carlos (1857-1861), né de Georges (1858- ) x Elise LECLERCQ (ceux du 114, boulevard de Paris) ( fille
de Louis et Adèle MULLIEZ), et de Carlos (1862- ) fabricant de tissus x
Adéle LECLERCQ (fille de Louis et Adèle MULLIEZ).
Le 139 vu de l’autre
coté.
Nous sommes vers les 133, 131 etc face à l'hôtel Masurel-Leclercq du 114 dont on voit le commun encore existant sur le boulevard.
Paul |
ELOY VINCHON |
133 |
Amédée |
DUCHANGE-RASSON |
131 |
Albert |
HEYNDRICKX BOSSUT |
127 |
César |
GAYDEL-SCREPEL |
125 |
Dans les années 1890, alors que le boulevard de Paris connaît
relativement peu de constructions, l’industriel Georges Charles
Masurel-Leclercq fait construire un hôtel particulier sur un terrain allant de
la rue Vauban au boulevard de Cambrai. L’hôtel a sans doute connu les bâtiments
de la ferme Lepers qui se trouvait jusque vers 1893 de l’autre côté du
boulevard. Ceux-ci seront expropriés et démolis peu après.
Georges Charles
Masurel-Leclercq, né à Tourcoing en 1858, est marié avec Élise Adèle Leclercq.
Il a repris l’usine Cordonnier rue de Mouvaux. Il va habiter la propriété avec
ses cinq enfants, ce qui va contribuer à remplir ce grand bâtiment.
Celui-ci est bâti à l’angle d’un vaste parc . Un autre bâtiment bas fait partie de l’ensemble ; il fait l’angle de la rue Vauban et du boulevard de Paris et son architecture est identique à celle du Château principal avec ses lucarnes de combles. Il est dévolu aux communs et à la conciergerie. Ce bâtiment existe encore aujourd’hui.
A la suite du 114, ( le petit commun existe encore ...), les autres numéros :
Leon |
VOREUX HUC |
96 |
Eugène |
WATTEL ERNOULT |
102 |
Fernand |
MOTTE BALAY |
108 |
Voici le 88, toujours présent, qui appartenait en 1912 aux Lambin-Glorieux ; et, en perspective, les numéros dégressifs ;
Fernand HANNART MOTTE 86
Théodore HANNART LECLERCQ 86
Paul MOTTE VOREUX 82
LENGLART PROUVOST 80
Carlos MASUREL LECLERCQ 78
Clément DAZIN-ELOY 76
Louis LECLERCQ HUET 74
Paul VERNIER-VALENTIN 68
70: Henri (5) François Prouvost 1885-1962
marié le 30 juin 1908 à Roubaix avec Marguerite Léonie Motte 1887-1966, de la famille bien connue, arrière petite-fille de Louis Motte-Bossut,
fondateur de la filature monstre à Roubaix. Ils n’eurent pas de descendants.
L’usine-Monstre Motte à
Roubaix.
Au cimetière de Roubaix
Paul REQUILLART-DUTHOIT 66
Marié le 6 août 1884, Roubaix (59, Nord), avec Léonie Lagache, née le 3 septembre 1863, Roubaix (59, Nord), décédée le 8 juillet 1951, Roubaix (59, Nord) (à l'âge de 87 ans),
Un de leur fils Edouard Motte, né le 1er mars 1889, Roubaix, décédé le 20 novembre 1973, Roubaix (à l'âge de 84 ans) marié le 10 juin 1913 avec Marie Lepoutre, née le 10 novembre 1893, Roubaix, décédée..
En face de l'hôtel Motte-Lagache ( dont on voit la poterne drooite sur la photo de gauche).
Victor DAZIN-DUVILLIER 62
Le 62, boulevard de Paris, « habitation de Victor DAZIN-DUVILLIER ; les 58, 60 et 62 sont certainement l’œuvre du même architecte et forment un ensemble architectural intéressant avec 2 tours et 2 ailes : le 62 aile gauche, le 58 aile droite droite et le 60 au milieu ; le 58 et le 60 ont chacun une tour avec une porte cochère ; je ne sais pas pour l’instant qui habitait le 58, mais pour le 60 c’est Alfred et Hortense VOREUX-RAMMAERT ; Hortense est la sœur d’Henri RAMMAERT-JEU, négociant à Roubaix, dont l’hôtel particulier se trouvait au 23 Grand-Place (porte cochère), derrière et au dessus de ses magasins du 22 Grand-Place (on accédait au perron derrière après 2 portes cochères et avant les écuries et remises de voitures et calèche) ; Alfred VOREUX, négociant à Roubaix, était le neveu de Louis VOREUX-DESTAILLEURS dont la famille se trouve dans l’Annuaire des Familles de 1914 et était donc le cousin germain de Léon VOREUX-HUC (98, bd de Paris), lui-même père de Mme René MOTTE-VOREUX et de Mme Paul MOTTE-VOREUX (82, boulevard de Paris).
L’annuaire de 1914 (3ième édition) m’avait été prêté; on y trouve la famille RAMMAERT-JEU (dans l’édition de 1927, on trouve la famille Joseph RAMMAERT-VANNESTE avec ses 2 branches RAMMAERT-JEU et VOREUX-RAMMAERT ; aucun des 2 enfants, Alfred VOREUX-CAU et Laure CAU-VOREUX ne reprendra la maison du 60 bd de Paris (Alfred VOREUX fils construisit un hôtel particulier 47 avenue de Flandres à Croix, ex 7 bd Carnot, face à la Clinique du Parc qui vient d’être démolie ; il avaient un grand Parc, avec pièce d’eau, plus important que ce que l’on pouvait avoir Bd de Paris et sur lequel a été construit un grand ensemble d’appartements SIMNOR – Edmond CAU-VOREUX construisit un bel hôtel particulier 38 avenue Gustave Delory (ex avenue des Villas où se trouvait au 17 l’hôtel particulier d’Emile LOUCHEUR-RAMMAERT, mon grand-oncle). » Philippe Rammaert-Mignot
Jean CAVROIS-LAGACHE 54
A droite, le 121,
chez Edouard Prouvost-Desurmont; à gauche le 88.
Chez Amédée-Charles et Marie Prouvost, 113, boulevard de
Paris à Roubaix
« Cette grande maison blanche fut
l’enchantement de mon enfance et je crois bien
de celle de tous mes cousins. J'en conservé un inoubliable souvenir un
peu assombri par le fait que je reçus en 1942 la procuration des héritiers pour
signer I’acte de vente de cette maison pour un prix qui, selon moi,
représentait à peine le double de ce qu'elle avait couté à construire en 1895.
II est intéressant de noter qu'en même temps que grand-père construisit ce qui
était un peu un palais, ses frères Albert et Edouard construisaient sur le même
boulevard de Paris des maisons aussi prestigieuses, ce qui donne une idée assez
précise et flatteuse de l’industrie du peignage à cette époque. L'architecte
fut M. Liagre, ami de grand-père. »
« Une description du 113, boulevard
de Paris serait incomplète si je n'évoquais pas le jardin et les écuries. Le
jardin était de dimension relativement modeste, mais il bénéficiait du
voisinage immédiat de I’avenue conduisant du boulevard de Paris au château
Bossu puis Cavrois. Cela facilitait les communications avec la maison de mes
parents et celle d'Edouard Prouvost. A la fin du siècle dernier, toute grande
maison bourgeoise comportait des écuries, mais nous n'y vîmes jamais ni
chevaux, ni voitures. Par contre nos grands-parents, sans doute émus du
traitement que leurs petits-enfants faisaient subir à leur mobilier, nous réservèrent
ces écuries comme terrain de jeux sous le nom de « Hurlerie ». Les chevaux
avalent été remplacés par les autos que grand-père avait très vite adoptées.
Les marques en avaient été successivement Mors et La Buire. Si les modèles se
succédaient, le chauffeur était toujours fidèle au poste. II se nommait
François Depléchin, astiquait à merveille les cuivres des phares. II conduisait
fort rapidement; je me souviens d'une remarque de Mimi Auger, disant que
François conduisait comme un fou et faisait notamment la route de Lille en 9
minutes. Je crois qu'i1 est difficile actuellement, en raison des feux rouges,
d'égaler le record. François jouissait d'un grand prestige auprès de mon frère
Xavier et de Claude Lesaffre, dont il évoquait le souvenir pour moi, 30 ans
après avoir quitte le service de mes grands-parents.
Apres la guerre de 1914, la grande
maison blanche du boulevard ne retrouva jamais plus le même éclat qu'aux années
d'avant-guerre. Nos grands-parents y étaient seuls, une moitié au moins de leurs
descendants n'était pas revenue dans le Nord après la guerre, et le ménage
Auger les attirait tout particulièrement dans la capitale. ils avalent par
ailleurs acquis à Mandelieu, vers 1920, une propriété où ils recevaient leurs
petits-enfants avec grande générosité.
«
Face à la porte d'entrée, s'élevait une sorte de
coupole destinée à mettre a I’ abri de la pluie les
équipages et leurs
passagers. Cette coupole avait reçu en famille le nom de «
pâté chaud ».
L'oncle Amédée, jeune, espiègle et taquin, avait
peu après sa construction
envoyé un télégramme à l’architecte
pour lui annoncer que le « pâté chaud»
s'était écroulé, ce qui ne s'était produit
que dans son imagination. » « La
porte une fois franchie, il fallait monter quelques marches pour
accéder à un
spacieux vestibule, la première pièce sur la droite
était le bureau de
grand-mère dont le principal ornement était un bureau
à cylindre qui avait été
celui de son père, dont le portrait se trouvait accroché
au mur. Le bureau a
été acquis, sauf erreur, par J. Lesaffre. Dans cette
même pièce se trouvait un
tableau de Martin, peintre ordinaire du Roi, représentant Mme de
Maintenon et
les filles naturelles de Louis XIV. Ce n'est pas grand-mère qui
m'expliqua le
sujet du tableau, car je n'y aurais rien compris ; le tableau est
actuellement
dans mon salon.
La pièce voisine était la bibliothèque, dont à l’occasion de quelques rangements nous
recueillîmes, mon frère Jules et moi, quelques épaves qui charmèrent notre
enfance. Dans I’ une des armoires se trouvaient de merveilleux cigares de
Havane, Henry Clay, que grand-père offrait généreusement a ses petits-fils
soldats, et qui, fumés le lendemain, en acquirent une certaine célébrité à la
caserne du 41me d'Artillerie a Douai.
Les deux pièces voisines étaient deux très beaux
salons, l’un donnant sur le boulevard, l’autre le salon blanc donnant sur le
jardin. Le premier salon comportait une cheminée de marbre surmontée d'un grand
portrait en pied de la princesse de Conti, fille naturelle de Louis XIV, c'est
du moins l’explication que m'en donna grand-père en 1927 peu avant sa mort, et
cette fois, je compris. Ce très beau tableau de C. Van Loo est actuellement
chez ma sœur Jeannette. Ce qui peut donner une idée de la dimension de ce
salon, c'est que deux pianos à queue étalent à I’aise. Je conserve un souvenir
enchanté du jeu de grand’mère et de l’ oncle H. Dubois. C'est en l’écoutant que
je connus, enfant, les noms de Debussy, Granados et Albéniz. Des tableaux,
naturellement, ornaient les murs. Je me souviens notamment du portrait de son
grand-père, le général Morvan, qui me faisait grande impression et qui le fit
aussi sur mon plus jeune fils qui, encore enfant, me poussa à I’ acquisition
dans la succession de ma mère.
Le salon blanc, ainsi nommé en raison des meubles et
de la cheminée de marbre blanc, avait ses murs ornés de tableaux de Guardi et
de portraits du XVIIIème siècle anglais, la seule grande époque, selon moi, de
la peinture anglaise.
Donnant encore sur le jardin, une grande salle à
manger; la cheminée était supportée par des sortes de grands géants barbus a I’
échelle réduite, mais à la forte musculature et dont nous allions volontiers
chatouiller le nombril. A gauche de la cheminée, un tableau de J. Weiss, ami de
grand-père, auquel, sur sa demande, j'allais rendre visite dans sa propriété
prés du merveilleux parc du Duc de Norfolk et qui m'a dit que quand il avait
des cauchemars, il pensait qu'il allait vendre du tissu a Bradford et
Manchester, ce qui n'était guère encourageant pour le jeune fabricant que
j'étais alors. A droite de la cheminée, des tableaux de Troyon ; je me souviens
d'une conversation de grand-père avec I’ historien Franz Funk Brentano qui
avait des tableaux presque identiques. Tous deux étalent d'accord pour dire que
leurs tableaux étaient bien du Maître et que le Louvre en possédait seulement
des copies. Face a la cheminée, seule concession a la peinture moderne, deux
tableaux d'H. Martin dont un au moins se trouve chez les Auger à Ville-d'Avray.
Dans cette salle à manger étaient servis des repas savoureux, dus au talent
notamment de Zélie. » « Parfois les repas de famille étaient bien un peu solennels pour la jeunesse en bout de
table, surtout quand Mgr Laugier, directeur de I'Oeuvre d'Orient, aux yeux de
charbon et à la barbe fleure, appelait grand-père d'une voix de basse « M. Le
Président ». II n'y avait qu'une ressource pour détendre I’ atmosphère en cette
occasion : pousser hypocritement un jeune cousin Dubois à quelque espièglerie.
»
A gauche de l’escalier d'entrée se trouvaient le
vestiaire et I’ escalier de service aux larges dimensions. Je conserve souvenir
surtout de l’odeur de ce vestiaire due, je crois, à I’ essence des boiseries
qui le décoraient, du merisier peut-être. Un escalier d'honneur de larges
dimensions conduisait au premier étage. Les marches en étalent surmontées par
un immense tableau, actuellement chez moi, représentant une apparition de la
Sainte Vierge à Sainte Catherine de Sienne semble-t-il, par Alonzo Cano. Ce tableau
avait été acquis par nos grands-parents, encore jeune ménage, et occupait du
plancher au plafond la hauteur d'une chambre de leur maison, rue Neuve. Le
premier étage comportait un vaste vestibule dont la pièce maitresse et le
centre était l’oratoire. Parfois, un prêtre ami y disait la messe et presque
tous les ans la messe de minuit y était célébrée a Noël par un de mes anciens
professeurs qui avait, selon certains, la mauvaise habitude de dire
consécutivement les trois messes de Noel. C'était un peu trop pour la piété des
fidèles qui s'égaillaient, ou pour Marcel Segard qui sommeillait malgré les
chants de Noël qui émanaient du rez-de-chaussée. L'oncle Henry Dubois essayait
de tirer le meilleur parti d'un orgue un peu délabré, en accompagnant la voix
d'or de tante Marthe.
En dehors des chambres le premier étage comportait, à
droite, le bureau de grand-père, dont le principal ornement était de petits
Corot d'Italie. Au second étage, dans deux pièces et un vestibule était logée,
assez au large, la galerie de tableaux qui fut aussi I’ enchantement de notre
enfance. Pour ceux de mes cousins qui ont conserve le catalogue illustre de la
vente effectuée le 22 octobre 1927 à Amsterdam,
Le plus haut prix semble avoir été donné pour le
numéro 413, Maître de Bruges : Portrait d'une dame âgée.
J'ai toujours eu beaucoup d'amitié pour le numéro 426
dont on disait en famille qu'il était le portrait de
Montaigne et dont on m'invitait à compter les cheveux. J'ai conserve un très
bon souvenir pour la profondeur et la transparence de ses bleus, du numéro 459,
école de Y. Patiner et ai toujours beaucoup d'attention pour les tableaux de ce
peintre.
Dans une armoire ancienne était conserve le tableau le
plus précieux, sentimentalement du moins, de toute la galerie. Cette
crucifixion, attribuée à Van Der Weyden, ne fut pas mise en vente à Amsterdam.
Grand-mère y attachait beaucoup de prix car I’ oncle Amédée avait demandé que
ce tableau fut apporté dans sa chambre pendant son agonie. Mis en vente après
la mort de grand-mère à l'hôtel Drouot, il fut I’ objet d'une compétition entre
tante Thérèse et moi-même agissant pour le compte de ma mère. J'ignorais du
reste cette compétition, qui ne me fut connue qu'au moment ou ma chère tante,
qui était ma voisine, se vit attribuer le tableau par le commissaire-priseur
auquel elle avait donne ses instructions. J'avais cherché sans succès à
retrouver la trace des tableaux dispersés a Amsterdam, je n'ai retrouvé la
trace que d'un seul, le numéro 422, un Jugement de Paris, mais il était trop
tard pour I’ acquérir. II est resté à Amsterdam; je I’ ai retrouve une première
fois au Rijksmuseum auquel il avait été légué par Sir Henry Deterdinf,
directeur de la Royal Butch. J'ai retrouvé ce petit tableau, dont les chastes
nudités étalent voilées à nos yeux d'enfants, quelques années plus tard sous le
numéro 840 dans le plus beau musée du monde a mon goût, le Mauritshuis à La
Haye, sous le numéro 846.
Un vestibule servait de passage entre les deux pièces
de la galerie de tableaux. C'est là que se trouvait le « Jugement de Paris »
que je viens d'évoquer. Le cardinal Charost, premier évêque de Lille et, tous
les ans, invité de nos grands-parents, appréciait fort le tableau. Des colonnes
en bois sculpté, une tête de vieille femme que grand-père attribuait à Rubens,
les anges musiciens dans le style de Memling dont grand-père disait qu'ils
avaient inspiré J.-S. Bach, sont les œuvres les plus saillantes dont je me
souvienne dans cette pièce. La grande pièce voisine donnant sur le boulevard,
était consacrée à la peinture généralement Française des XVII° et XVIII°
siècles. Les tableaux n'avaient pas le même prestige que ceux de la galerie
voisine. »
Chez Edouard Prouvost, 121, boulevard de Paris à Roubaix
II est intéressant de noter qu'en même temps que grand-père construisit ce qui était un peu un palais, ses frères Albert et Edouard construisaient sur le même boulevard de Paris des maisons aussi prestigieuses, ce qui donne une idée assez précise et flatteuse de l’industrie du peignage à cette époque. L'architecte fut M. Liagre, ami de grand-père. »
A l'angle du boulevard et de la demeure d'Edouard Prouvost, l'avenue Bossut menant au château Bossut.
« En 1888, mes parents entreprirent
la construction, sur le plan d'un architecte ami d'enfance de mon père, Achille
Liagre, d'une grande maison à l'angle du Boulevard de Paris et de la rue
Charles-Quint orientée au Midi et dont toutes les pièces étaient très agréables
à habiter. Les enfants furent particulièrement bien installés : un vaste
rez-de-chaussée de plain-pied avec le jardin leur était réservé. Les salons et
la salle à manger étaient au premier étage, les chambres au second.
En 1889, ce fut l'inauguration de la nouvelle demeure dans laquelle
parents et enfants allaient vivre 25 années d'un grand bonheur.
Nos parents menaient une existence mouvementée de jeune ménage: nombreux
voyages a Paris, mondanités très astreignantes : tous les soirs un diner,
à l'exception du vendredi, jour
d'abstinence et du dimanche consacré traditionnellement à la famille. Un
dimanche sur deux était réservé au Vert-Bois, l'autre au déjeuner et au diner
de la famille Prouvost chez la bonne-maman, rue Pellart.
Vous pouvez vous en rendre compte en feuilletant l'album de famille, ma
mère était une jeune femme d'une resplendissante beauté, mon père avait très
grande allure; tous deux attiraient l'admiration et l'amitié par leur
bienveillance et leurs gouts raffinés. Les réceptions, 50 Boulevard de Paris
étaient brillantes, la table réputée.
Mes
parents consacraient dans leurs voyages à Paris une large place
au
théâtre et spécialement à la Comédie
Française. L'un et l'autre très lettrés,
ils étaient spécialement assidus aux
représentations des classiques.
Connaissant à fond le répertoire, ils n'allaient pas au
Français entendre le
Cid Phèdre ou Bérénice, mais applaudir
les acteurs qui en étaient les grands interprètes. A cette époque Rachel avait
termine sa triomphale carrière, mais Sarah Bernhardt, Bartet, Mounet-Sully, les
Coquelin étaient au zénith de leur gloire éphémère. Le théâtre du boulevard
avait aussi de très belles troupes : les noms les plus appréciés étaient ceux
de Réjane et Jeanne Granier, Brasseur, Baron, Guy, Lavallière aux Variétés.
Le 50, Boulevard de Paris comportait au dernier étage un immense grenier
inutilisé. Dans leur passion du Théâtre, mes parents eurent l'idée d'y
construire une petite scène et d'y jouer la comédie entre amateurs. Naquit donc
vers 1892 ce qu'on nomma par la suite « le Théâtre Albert ».
Pour l'inauguration du grenier-théâtre, des acteurs de Paris furent
engagés, notamment Prince qui devait acquérir une grande notoriété de
fantaisiste, les sœurs Mante, danseuses étoiles de l'Opéra. Les décors étaient
charmants, la soirée fut sensationnelle.
A partir de cette date, chaque année mes parents s'ingéniaient à découvrir
une bonne pièce nouvelle en un acte et s'attaquaient en trois actes aux pièces
à succès du moment, le théâtre de Scribe, Augier ou Labiche. Les amateurs de
notre région y furent étonnants de brio. Parmi eux, outre mes parents qui
jouaient chaque année, les plus fêtés furent la belle Madame Félix Ternynck et
son mari, Albert Masurel, René Wibaux. Mes parents prirent tellement au sérieux
leur rôle d'acteurs improvises qu'ils demandèrent des conseils a deux célèbres
Sociétaires de la Comédie Française, Le
Bargy et Georges Berr, afin de perfectionner leur technique forcement
sommaire.
Plus tard, entre 1900 et 1910, de nouveaux jeunes premiers accédèrent aux
planches du théâtre Albert.
Trois de mes cousins germains y furent particulièrement appréciés : Amédée
Prouvost, Léon Wibaux et Charles Droulers. Ils y jouèrent la comédie, puis en
association écrivirent chaque année une petite revue, dans laquelle ils
montraient autant de verve que d'esprit: Ces revues étaient le clou de la
soirée « théâtre Albert» du 1" janvier. L'un après l'autre tous les
cousins et toutes les cousines de tous âges (y compris mon frère, mes sœurs, ma
femme et moi-même) ont tenu un rôle dans ces revues ou joue la comédie. Aucun
de nous n'a perdu le souvenir des joyeuses répétitions et des émotions -
quelquefois du trac - de la générale et de la grande première. Ces soirées de
l’An nouveau réunissaient dans la joie parents et enfants.
Comme celle de tous les jeunes ménages de tous les temps, -notre existence
de 1906 à 1914 fut intensément active : diners, soirées dansantes, voyages
fréquents à Paris, puis en aout longues vacances. Rita animait par son entrain
toutes ces réceptions et une semaine sur deux, nous passions un large weekend
dans la capitale. L'élégance de la tenue était à cette époque le souci majeur
des Messieurs comme des Dames. Pour vous donner une précision, il était de
règle, a partir de onze heures du matin, de porter sur les Boulevards le
chapeau haut de forme et des gants, au moins tenus a la main. Les snobs y
ajoutaient un monocle et une canne. Les grands rendez-vous de la société «
chic» étaient en fin de matinée l'Avenue du Bois et surtout la partie de
l'Avenue de Longchamp dénommée « Avenue des Acacias » ou par antiphrase « les
sentiers de la vertu ». Que de cavaliers et d’amazones! Le soir dans les
restaurants ou les salles de spectacle, l'habit et le chapeau claque étaient de
rigueur; dans les petits théâtres le smoking était toléré. Les dames étaient en
robes largement décolletées: leurs chapeaux de dimensions extravagantes étaient
couverts des plumes des oiseaux les plus rares, notamment des aigrettes.
L'hiver c'était un déploiement de fourrures, d'étoles de zibeline, d'hermine ou
de chinchilla.
Comme mes parents j'aimais le théâtre: Rita aussi: nous allions souvent
voir les auteurs contemporains et redécouvrir les classiques. A chaque week-end
parisien nous assistions a trois ou quatre représentations.
Entre 1906 et 1914, nous n'avons jamais manque la pièce annuelle d'Henry
Bataille, Maurice Donnay, Porto-Riche, Henry Bernstein, Alfred Capus, Flers et
Caillavet, Sacha Guitry, les grands chefs de file, qui ont connu des succès
considérables et dont aucune production ne laissait un spectateur indifférent.
Le public était alors plus restreint, mais plus cultive que celui de nos jours.
Ses réactions étaient vives, passant d'un enthousiasme sans retenue a une
sévérité extrême devant un texte ou une interprétation de valeur discutable.
Dans les premières représentations, d'une pièce à succès, les entractes -
actuellement moroses - étaient brillants : on y retrouvait de nombreux amis et
des personnalités marquantes de la politique, du turf, du monde ... ou du
demi-monde.
Un auteur dramatique affaibli par la maladie, qui ne produisait presque
plus, était auréolé d'une gloire sans seconde : Edmond Rostand. Le triomphe en
1897 de « Cyrano de Bergerac " demeure l'un des grands souvenirs de ma
jeunesse. Un acteur de génie, Coquelin, créa le rôle. A la veille de la
première, l’auteur et ses interprètes se demandaient comment le public
accueillerait ces cinq actes en vers évoquant le XVIIe siècle. Ce fut du
délire. Notre pays portait encore moralement le poids de l'humiliation de 1870:
ce coup de cymbales, le panache du héros et aussi le cote sentimental cher au
Français, provoquèrent un choc de fierté nationale. Dans la même veine, en
1900, Edmond Rostand nous donna « l'Aiglon », avec la grande Sarah-Bernhardt,
dans le rôle du Duc de Reichstadt.
En 1910 fut créé « Chantecler ». Edmond Rostand avait confie à Coquelin le
rôle du coq. Celui-ci mourut subitement et « Chantecler » fut joué par Lucien
Guitry. La pièce, riche en vers magnifiques, fut discutée sur le plan scénique.
Ce demi -échec fut très sensible à l'auteur. On organisa alors, en son honneur,
sous le couvert d'une fête de charité, une matinée au théâtre Sarah Bernhardt
ou des extraits de son œuvre théâtrale devaient être interprétés par les
meilleurs artistes de Paris. Rila et moi, étions au grand rendez-vous de ses
admirateurs. En apothéose finale, on obtint qu'Edmond Rostand monte sur le
plateau et dise plusieurs poèmes dont l'hymne au soleil de « Chantecler ».
Avant qu'il put commencer, la salle debout l'acclama pendant plus de dix
minutes. Cet hommage d'une sincérité bouleversante est demeure l'une de nos
grandes émotions de théâtre. » « Souvenirs de famille » Par Albert-Eugène
Prouvost, 1960
Documents Philippe Cavril
Edmond I Charles Joseph Prouvost) au 48, boulevard de Paris
Chez Edmond I Charles Joseph Prouvost), fils d’Henri III Prouvost
Chevalier de la Légion d’honneur le 15/10/1921
Industriel
Président du Consortium du Nord,
Président des Tuileries de Beauvais,
Administrateur de Poliet et Chausson,
Administrateur de la Société Silva Plana
Administrateur des Constructions électriques de France
Marié le 31 mai 1887, Roubaix (59, Nord), avec Jeanne Eloy 1867-1948, de l’ancienne famille Eloy, de Linselles.
Au 44, boulevard de Paris, Charles-Henri et Joséphine Droulers-Prouvost
Les Eloy-Duviller, ses beaux parents, habitaient le 67, boulevard
de Paris
Ses voisins sont les Jean
Bossut-Screpel au 69, les Paul Delannoy-Jonville au 71, les Amédée
Prouvost-Lorthiois au 73.
Coté jardin chez Amédée 3 Prouvost-Lorthiois.
Dans l'album personnel du poète Amédée Prouvost, probablement sur le boulevard de Paris.
Amédée
3 au violoncelle avec sa mère au piano dans le salon de musique
du 113, boulevard de Paris à Roubaix. Derrière ses trois
soeurs.
Jean |
BOSSUT-SCREPEL |
69 |
Paul |
DELANNOY-JONVILLE |
71 |
Amédée |
PROUVOST LORTHIOIS |
73 |
Félix Réquillart, né le 22 septembre 1843,
Roubaix (59), décédé le 16 février 1897, Roubaix
(59) (à l'âge de 53 ans), marié le 10 juillet 1872,
Tourcoing (Nord), avec Eugénie Roussel, née le 26 juin 1850, Tourcoing
(59), décédée le 27 novembre 1915,
Roubaix (59) (à l'âge de 65 ans), petite fille de Charles Germain
Roussel, Industriel savonnier, maire de Tourcoing, président du Conseil
d'Arrondissement, président du Conseil des Prudhommes, né le 21 février
1821 - Tourcoing (Nord), décédé le 26 octobre 1879 - Tourcoing (Nord),
lui-même fils de Chrétien Joseph
Roussel, écuyer 1783-1851, négociant, juge de paix, conseiller municipal
de Tourcoing et Adélaïde Dubois de Crancé de Livry 1786-1849
Les tous premiers numéros du boulevard, pas aussi recherchés.
Au 16, les Eugène Motte-Vanoutryve.
Les entrepots Grimonprez-Delcourt du 6 à 10, boulevard de Paris.
Avant-Après
Merci d'apporter tous documents, photos, témoignages: tprouvost@pourvouslesprinces.com